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WAN © 2007

TÉMOIGNAGES

Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.

Récit d'Arpène fille de Mikael Aghadjanian

Née en 1909 à Arapkir

Moi j'étais une enfant. Ma mère était malade. J'avais deux oncles. Ma sœur était mariée. Les Turcs sont venus. Ils ont ôté ma mère de son siège de paralytique. Ils ont déporté toute la population du quartier.

Ils ont aussi emmené les deux frères de maman. Maman est restée couchée par terre. Elle était malade, elle ne pouvait pas bouger. Je restais auprès d'elle.

Une gentille femme est venue, elle a porté maman, elle l'a emmenée, et moi je les suivais.

Nous sommes restées deux ans parmi les Turcs. Ils ont pillé tout ce que nous avions.

Qui a souffert ce que nous avons enduré ?


(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

 Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.

Récit d'Anouche Topalian

Née en 1910 à Hozghad, Eyléndjé.

Ils ont emmené tous les hommes à l'église arménienne, ils les ont enfermés,

 ils les ont tués, ils les ont fait mourir et les ont jetés à l'eau. Nous sommes du village de Eylendjé,

de Hozghad. J'avais 5 ans. J'étais à côté de ma mère. Je m'en souviens.

Nous sommes restés dans notre maison, puisque mon père était soldat dans l'armée turque.

 

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

 Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.

 

Récit de Garabed Garamanoukian

Né en 1907 à Aïntab

Avant les massacres de 1915, les Turcs et les Arméniens vivaient ensemble calmement et en paix, ensuite, ensuite les Allemands sont venus, ils voulaient créer une ligne de chemin de fer de Berlin à Bagdad. Le Conseiller du Sultan était Artin Amira. Il lui a dit: Mon Padishah, longue vie à toi, tu commets une erreur. Ne les laisse pas faire. On dit que les Allemands se sont fâchés, ce serait la cause du début des massacres des Arméniens. Ce fut le prétexte des massacres. A Marache, ils ont rassemblé les Arméniens, pour soi-disant les mettre dans l'armée turque, mais en route ils les ont tués. Ensuite ils ont violé leurs femmes, ils les tuaient, ils les jetaient dans les déserts. Les femmes les suppliaient de ne pas les tuer. Je me rappelle, les zaptiyés disaient: "Korkuma, kizilarim, petchaklarimiz dokdorlardan muhayénélidir, hitch duymasiniz" (n'aie pas peur mon agneau, nos couteaux ont été inspectés par les docteurs, vous ne sentirez rien). Ils m'ont aussi crevé les yeux pendant les massacres, j'étais encore un enfant.

(Ce récit ma été raconté par Garabed Garamanoukian. Pendant la Grande Catastrophe, les Turcs lui avaient arraché les deux yeux. Or sa mémoire avait enregistré les images indicibles qu'il avait vues. Mais le survivant fait une confusion lorsqu'il dit qu'en 1915 le Ministre du Sultan était Artin Amira. Car Haroutioun (Artin) Bezdjian (1771-1834) avait été le Conseiller du Sultan Mahmoud II (1808-1839)

 

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

     Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

Récit de Hagop Tchertchian 

Né en 1900 à Aïntab

Notre famille vivait en Cilicie dans le quartier appelé "hrômgla" qui signifie "le quartier grec". C'était là que Nércès Chenorhali avait fait sa repentance.

J'avais 15 ans quand je subis la déportation.

J'aurais préféré être aveugle pour ne pas avoir vu ces scènes effroyables. Nous sommes arrivés à pied jusque Homs, Hamma. En chemin, les Turcs ont rassemblé les hommes et jeunes gens, soi-disant pour les faire entrer dans l'armée turque. Or ils les ont emmenés pour construire la voie de chemin de fer Berlin-Bagdad.

Ils travaillaient comme des bêtes, à coups de fouet et de cravache, affamés, assoiffés.
Quant aux femmes et aux enfants, les mains et les pieds liés, ils étaient en rang au bord de l'Euphrate pour être tués.

L'un de ces déportés, appelé Artin Démir (fer , en turc) a réussi à briser les chaînes de ses mains, il s'est jeté à l'eau, il a nagé sous l'eau, est arrivé jusque Pérétchig et a demandé qu'on fasse venir sa femme et son enfant au bord de l'eau pour qu'il les délivre aussi. Mais les Turcs ont tué Artin par balles.

On disait que la patronne arménienne de l'Hôtel Baron avait eu des conversations secrètes avec Djémal Pacha, pour que les Arméniens ne soient pas envoyés à Der-Zor, mais à Homs- Hamma pour qu'au moins ils restent en vie.

Djémal Pacha aurait dit: "Les Arméniens vont écrire mon nom en lettres d'or". Et Djémal Pacha en effet a donné aux Arméniens le conseil de changer leurs noms, en noms turcs, pour rester en vie.

Le plus grand criminel de ce massacre était Talaat.

Soghomon Tehlirian et Lévon Shant sont partis à sa recherche. Mais il s'était sauvé à Berlin. Ils l'ont poursuivi. Talaat changeait d'habit tous les jours pour ne pas être reconnu, mais un jour au coin d'une rue, Tehlirian a crié: "Talaat !" , celui-ci s'est retourné et Soghomon a appuyé sur la gachette.

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

      Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

Récit de Bédros fils de Sarkis Safarian

Né en 1901 à Moussa Lér

Village de Hadji Hapipli

Mon père avait été emmené dans l'armée turque,

Mais il s'était sauvé. Les routes ont été barrées.

Nous n'avons pas pu monter à Moussa Lér.

Nous étions 20 maisonnées de notre village.

Nous avons été déportés. Il y avait un gendarme turc, il a giflé mon père. "Allez !"…Ils nous ont conduits comme un troupeau de moutons. Nous avons passé le fleuve Oronte (Vorondès). C'était la nuit, ils nous ont laissés nous reposer. Une femme a mis là un enfant au monde. Le matin, nous nous sommes remis à marcher. Nous sommes passés par la ville d'Antioche. (Andiok). Elle a été construite 300 ans avant J.C. Quand nous sommes sortis d'Antioche, ma sœur a été enlevée. Ils nous ont pillés.

Nous sommes arrivés à Hamma. Sous le soleil brûlant, sur les pierres chaudes, ils ont dit: "vous allez rester là". Les gens, ruisselant de sueur, ont dressé les tentes, sont rentrés dedans. Le soleil nous cuisait. Affamés, assoiffés, fatigués, malades, on a tout souffert. Un homme criait pour un morceau de pain, les Turcs l'ont attrapé, ils l'ont jeté tout vivant dans une fosse.

Mon père nous a emmenés en ville. Il a loué une maison pour nous abriter. Mais là aussi, un crieur public est venu annoncer que tous ceux qui logeraient des Arméniens seraient aussi déportés. Allez ! ils ont amené des chameaux et cette fois nous ont emmenés à Homs.

De notre famille, beaucoup sont morts.

De Stamboul, Talaat a donné l'ordre à Djémal, qui était gouverneur de la province de Damas, de ne pas laisser un seul chien dans les rues, c'est-à-dire supprimer tous les Arméniens. Mais Djémal a été rusé, il a fait tuer les chiens des rues et a dit aux Arméniens: "changez vos noms, faites comme si vous étiez devenus turcs." C'est ainsi que nous avons été sauvés, moi qui m'appelais Apraham, je suis devenu Ibrahim, ma mère Fatma et ma sœur Aïcha.

 

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

      Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

Récit d'Iskouhi Gochgarian

Née en 1902 à Moussa Lér

Quand Talaat est venu dans notre village de Hoghoun Olouk, il a annoncé que nous devions partir. A ce moment-là j'étais à la fontaine chercher de l'eau. Je suis rentrée à la maison en pleurant. J'ai vu que tout le monde était alarmé. Les marmites étaient pleines, les repas étaient prêts, il fallait les laisser et monter dans la montagne.

Sur la montagne, les hommes ont combattu.

Ils ont beaucoup lutté. Les balles passaient et repassaient au-dessus de nos têtes. Nous, nous sommes restés en vie.

Un jour l'un de nos hommes était en train d'indiquer à un Turc le chemin des positions de ceux de Tamlatchek, nos jeunes lui ont coupé la langue, frappé l'oreille avec une hache, ils l'ont couvert de pierres, ça a fait un tas, on peut le voir jusqu'à ce jour sur la montagne. Ils ont bien fait. Pourquoi allait-il montrer notre chemin à l'ennemi ? Les Turcs avaient déjà attrapé une vingtaine d'Arméniens, ils avaient circoncis leurs enfants. Des milliers de Turcs se sont précipités sur nous. Nous ne nous sommes pas rendus. Ensuite nous avons dressé nos taies blanches en l'air et à côté nous avons allumé des feux. D'ailleurs nous avions décidé de nous jeter dans la mer du haut des rocs et des rochers.

Mon frère s'est mis à pleurer: " – Maman, n'y allons pas, ils vont nous jeter à la mer !"

Huit jours plus tard, des vaisseaux français sont venus, ils se sont arrêtés en face de nous. Les Français dans des petits bateaux ont fait la navette, ils nous ont emmenés dans les grands vaisseaux. Nous avons tout laissé dans la montagne. Nous n'avons sauvé que notre vie. Mon père, le Patriarche Bolissian, gardait les routes, nous sommes descendus au bord de l'eau. Esaïe Haghoupian, qui était notre parrain, est entré le dernier dans le bateau. Quand tout le monde a été embarqué, le capitaine a regardé avec sa longue-vue et a dit que notre place là-haut était remplie de Turcs.

C'est ainsi que nous sommes partis à Port Saïd. Mais quatre ans plus tard nous sommes retournés à Moussa Lér.

En 1939, les Turcs sont revenus. Cette fois, nous sommes partis à Anjar.

 

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

      Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

 

Récit d' Ardzvig fille de Kaloust Tértchian

Née en 1910 à Van

Notre maison était dans la rue "Khatchpoghan", il y avait deux étages.

Elle était entourée de buissons de roses.

Nous vivions calmement. Nos voisins étaient les Khantchian, Ararktsian, Tertsaguian.

Lors de la 1ère guerre, mon père s'était sauvé de l'armée turque. Ils l'avaient trouvé et l'avaient emprisonné. Il s'était échappé aussi de la prison. Les Turcs le recherchaient, car il était aussi Tashnagtsagan. Lors de sa fuite, au moment où il s'approchait de la maison et allait sauter le mur, un Turc l'a remarqué et a tiré dessus. De sorte que je n'avais déjà plus de père.

Au moment de la déportation, nous étions 8 personnes. La route a été très pénible, tout le monde était fatigué. Nous avions faim et soif.

Nous devions laisser sur le chemin ceux qui mouraient et nous devions continuer à marcher car les Turcs nous harcelaient. L'armée russe voulait s'emparer de nous. Nous avons été séparés. Nous sommes restés sans maîtres.

Les enfants orphelins ont été ramassés.

Ma sœur Armig et moi avons été mises dans un chariot fermé. On nous a conduites d'abord à Iktir, puis à Anibemza, ensuite à Erevan. Notre maison d'enfants se trouvait près de l'église Sourp Astvadzadzine de Nork. La directrice était Mademoiselle Azniv. Cette maison d'enfants était celle d'Amergom.

 

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

      Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

Récit de Katchpérouhi fille d'Avédis Chahinian

Née en 1908 à Van

Notre pays Van était très bien. Nous vivions dans la rue Tcharl, c'était une belle rue, l'eau jaillissait des deux bouts de la rue et se déversait dans les deux bassins.

J'avais 4 oncles, les frères de mon père, qui vivaient séparément.

Nous avions beaucoup de bêtes.

Mon père était armurier.

Nous étions 12 personnes dans notre famille.

Ma mère était couturière. Elle avait deux filles. Moi j'ai vécu toute mon enfance dans des rêves, jusqu'à notre sortie de Van.

Mon père Avédis était un homme tranquille. Quand il a appris que les Turcs allaient venir, ils nous a rassemblés et nous sommes partis avant les massacres. Mon père était armé, il a fait monter maman sur un cheval, il nous a mis, ma sœur et moi dans un sac à deux poches, et hop, nous nous sommes mis en route. Il y avait aussi avec nous la famille de mon oncle et ma grand'mère.

En route nous entendions déjà les canonnades des Turcs. Nous nous abritions sous les rochers. Moi j'avais peur, je pleurais. Mon oncle m'a trouvée, il m'a donné à manger. Le convoi de déportés arrivait derrière nous. Dans les rochers, il y avait des gens couchés. Je croyais qu'ils étaient vivants. Mais pas du tout ! ils avaient été tués, il n'y avait personne pour les enterrer. Les canonniers arrivaient. J'ai vu le prêtre tombé par terre, il était mort. Il avait laissé ses affaires sous les rochers. Ma mère lui a retiré ses vêtements ecclésiastiques, elle les a remis à l'église Boghos-Bedros d'Erevan. Mon oncle est mort en route.

Les Anglais et les Américains nous ont aidés. Ils nous ont bien nourris, vêtus, lavés et éduqués.

Ensuite les Turcs se sont précipités sur Erevan. Mon père a rassemblé 25 hommes, il les a armés et ils se sont défendus contre les Turcs. Il était commandant, il avait participé à la bataille de Sartarabad. A peine rentré à cheval à la maison, il a été appelé pour aller combattre contre les Turcs.

De 1932 à 1937, mon père, en tant que nationaliste, a été emprisonné. Toutes ses balles et ses munitions, il les avait enterrées. Mon pauvre papa, ils l'ont arrêté, ils l'ont envoyé à Tachkent, et là-bas il est mort. Ils ont dit qu'il était mort de faim.

 

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

      Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

Récit de  Silva fille de Hovannès Puzantian

Née en 1908 à Van

Notre famille était une famille cultivée de Van. Des Français étaient venus à Van pour faire connaître leur langue. Mon grand-père leur avait réservé une chambre dans notre maison pour qu'ils se consacrent à leur enseignement. Et cette école s'appelait l'Ecole Puzantian. Nous avions une très grande bibliothèque, qui s'enrichissait continuellement de livres imprimés à l'étranger. Dans notre maison, il y avait aussi une chambre réservée à Khrimian Hayrig, qui, lorsqu'il rentrait de ses tournées, venait s'y reposer.

Mon père était un homme très gentil. Il participait souvent aux réunions de partis, il parlait librement, beaucoup lui disaient: "Hovann tu as une bouche d'or".

A Van il y a eu de l'agitation pendant longtemps. Les Turcs sont venus et ont fait des enquêtes dans la ville et les environs au sujet des Arméniens.

Un jour l'ordre est arrivé que nous devions partir. Les Turcs ont envahi la paisible population arménienne de Van et des environs. Les Vanétsis ont été obligés de partir à pied. A ce moment-là, mes parents m'ont perdue. Les soldats russes m'ont trouvée, ils m'ont gardée. Soudain mon parrain m'a vue et reconnue, il m'a saisie, il m'a mis sur son cheval et nous sommes partis.

Les Turcs ont enlevé ma sœur Sirvart. C'était une très jolie fille et gracieuse. Elle jouait le rôle de Séta dans la pièce "Les Dieux Anciens" de Shant.

Les Turcs massacraient ceux qu'ils rencontraient. Ils coupaient les mains des hommes, les pieds, ils leur plantaient des clous au front, ils leur arrachaient les yeux, ils massacraient les enfants sous les yeux de leurs parents, ou les parents devant les yeux de leurs enfants, et ils prenaient plaisir à voir tout cela. Leur but était de massacrer les Arméniens jusqu'au dernier. Un million et demi d'Arméniens ont été sacrifiés.

Nous sommes arrivés à Iktir, complètement dénués de tout, puisque nous avions été pillés. Nous avions faim et soif. Puis nous sommes passés par le fleuve Araxe. La plupart de ceux de ma famille étaient âgés, ils ne pouvaient pas marcher, c'est pourquoi ils étaient restés à Van, et ont été massacrés.

L'épidémie de typhus aussi a causé beaucoup de victimes parmi nous. La faim, la maladie, un état d'épouvante…

Mais nous avons tout supporté et affronté héroïquement.

Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

      Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

Récit de  Nevart fille d'Avédis Kévorkian

Née en 1910 à Alachguérd

Nous vivions paisiblement à Alachguérd.

Un jour, en 1915, les Turcs ont envahi notre village. Ils ont attrapé les hommes du village,

ils les ont enchaînés de force, ils les ont poussés et les ont enfermés dans les étables

auxquelles ils ont mis le feu.

Notre parentèle comptait 22 personnes, mais notre famille se composait de 5 personnes: mon père,

 ma mère, moi et mes deux sœurs.

Mon oncle, ses enfants et petits-enfants, mes tantes, leurs petits-enfants, ainsi que mes parents ont été enfermés dans une étable et incendiés.

Nous, les trois sœurs, sommes restées orphelines, sans maître ni protecteur.

Sur le dur chemin de la déportation, nous marchions avec difficulté sur les cadavres suppliciés, massacrés. Enfin, nous sommes arrivées à Iktir. Puis à Oktempérian (devenu Armavir), dans le village d'Evtchilar, qui était au bord de l'Araz. Le lendemain matin, l'épidémie de typhus s'est répandue parmi les déportés.

Beaucoup sont morts là-bas. Ma sœur m'a gardée. Nous sommes allées au village de Tchanfita

de l'Oktempérian. De tout notre village, ma sœur et moi étions les seules survivantes.

Le Turc nous a massacrés, tués, rendus orphelins, sans maison, sans terre, sans proches parents, moi je ressens la nostalgie de mes parents. Je ne revois mes parents que dans mes rêves.

Mon mari Roupen avait une très grande famille, qui a entièrement été massacrée par les Turcs.

Le Turc nous a fait beaucoup de mal. Dieu ne leur pardonnera pas ce qu'ils ont fait.

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

      Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

 

Récit de Haïganouche Der-Bédrossian

 

Née en 1910 à Yetessia (Edesse)

Nous avons été délogés au motif de "seferberlik" (mobilisation). Nous étions trois frères et trois sœurs.

 Mon père était forgeron:Nércès Démirdjian.

Il l'ont gardé, disant que c'était un artisan. Il y avait aussi un maréchal ferrant Nalpant, qui ferrait les chevaux, et un autre qui était rétameur, il travaillait l'étain.

Ils nous ont emmenés dans un local, ça ressemblait à un palais de justice.

Ils ont changé nos noms, ils nous ont transformés en Turcs, mon père est devenu Ahmed, mes frères devenus Khalil, Iprahim, Mahmet, ma mère Fatma,, ma grand sœur Tchakia, la cadette Eminé, et moi on m'a nommée Pahiya. Nous sommes venus nous installer dans le quartier turc.

Les Turcs sont venus, demander ma grande sœur, mais nous ne l'avons pas donnée;

 mon père a dit : nous l'avons donnée au fils de Nalpant. Car il ne voulait pas qu'elle fasse partie des Turcs.

Les Turcs faisaient le ramazan, nous devions jeûner pendant toute la journée, ils venaient inspecter notre langue pour voir si elle était blanche, si non ils nous punissaient.

Quand les Anglais sont arrivés, nous sommes redevenus Arméniens.

 Mon père est allé chercher des orphelins, garçons et filles, il les a ramenés à la maison.

 

 

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

      Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

 

Récit n° 145 de Aharon Manguerian

 

Né en 1903 à Hadjen

 

Quand on a été emmenés en déportation, nous avons beaucoup souffert en route.

 Pendant des jours, des semaines, affamés, assoiffés, sous le soleil,

on nous faisait marcher. Un jour au bord de l'Euphrate, des Allemands sont venus. Ils mangeaient.

Nous étions déjà arrivés à Racca. Nous étions pieds nus, nous les regardions, nous faisions le signe de croix pour qu'ils aient pitié de nous.

Or nous avons vu que les aliments qui leur restaient dans leur boîte, ils les ont jetés à l'eau. Plusieurs garçons d'entre nous se sont jetés à l'eau, deux se sont noyés.

L'eau de l'Euphrate contenait du sang, on ne pouvait même pas la boire, les cadavres flottaient à la surface, et nous, nous allions au fond pour boire de l'eau propre.

Ceux qui ne pouvaient plus marcher, qui s'asseyaient ou qui se couchaient par terre, en disant : "de l'eau, de l'eau !" mouraient. De tous côtés, étaient répandus des cadavres desséchés.

Nous avons vu la tragédie de Der Zor. Quand nous nous avons combattu à Hadjen, nous voulions nous venger de Der Zor *.

Il y avait un pacha turc de 80 ans, il avait pris pour femme une petite fille qui avait perdu ses parents. Nous sommes allés délivrer cette enfant.

Kémal a voulu supprimer le nom de Hadjen Il a brûlé Hadjen, la plupart des Hadjentsis ont été brûlés vifs. Mais nous ne sommes pas morts.

Ensuite j'ai été en Grèce, puis nous sommes venus en Arménie.

 Maintenant, dans NorHadjen, il y a notre monument, et le musée.

* Il s'agit de l'autodéfense en 1920, du combat héroïque de huit mois de Hadjen, auquel il a participé.

 

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

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