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WAN © 2007

TÉMOIGNAGES

Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.

 Le récit de Hagop Pachayan

Né en 1907 à Peylan 

En 1914, j'avais 7 ans, on nous a emmenés dans le désert d'Havran.

Ensuite on nous a ramenés.

Djémal Pacha faisait construire une route de Damas à Jérusalem.

 Ils appelaient cette route "Kham yol", c'est-à-dire que c'était une "route désordonnée".

Ils y faisaient travailler les Arméniens.

 Ils ne donnaient pas d'argent, mais de la farine, de l'huile, des autres choses.

 Moi j'avais 7 - 8 ans. Moi aussi je travaillais avec les adultes.


(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

 Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.

Le récit de  Yéva Manoug Tchoulian


Née en 1903 à Zeitoun

J'étais petite quand ont eu lieu les massacres et déportations de 1915. Je me rappelle quand nous avons quitté Zeitoun, notre village s'appelait Ayguetsa. Ma mère était une belle femme. Elle avait cinq enfants, mais elle les a tous perdus, ensuite c'est elle qui est morte. Je suis la seule à être restée en vie. Les Turcs sont venus et ils ont fait sortir tous les habitants du village, ils nous fouettaient avec une cravache, pour nous faire avancer. Ils ont attaché les mains de tous les villageois derrière leur dos, et ils nous ont emmenés dans un endroit élevé, et fait entrer dans une espèce de caserne. A l'intérieur, avec des poignards, des haches, ils ont coupé aux uns les mains, à d'autres les pieds, ou les bras. Ils nous ont déshabillés, nous ont mis complètement nus, sans chemise, ni culotte. Derrière nous, il y avait un petit garçon à qui ils avaient coupé le bras, il appelait sa mère, mais sa mère était déjà morte d'un coup de poignard. Cet endroit s'appelait Ter Tchorn. Il faisait très froid, nous étions entassés les uns sur les autres, pour nous réchauffer. Le matin, ils sont venus nous rassembler, ont recommencé à nous massacrer, à nous jeter à l'eau. Il y avait une caverne dans le roc, sous laquelle passait une rivière qu'ils appelaient "khapour". Ils ont encore arraché les bras, les jambes, les pieds, ils ont jeté tout le monde à l'eau, la rivière était pleine, il y avait des gens qui n'étaient pas morts, mais blessés, ils pleuraient, d'autres criaient, on sentait l'odeur du sang, on avait faim. Ensuite, les vivants ont commencé à manger la chair des morts; ceux qui par miracle n'étaient pas morts sont sortis de sous les cadavres, ils étaient sortis du flot de sang, de cette caverne ils avaient trouvé un chemin, ils avaient commencé à marcher. Ceux qui avaient bu cette eau sale avaient le ventre tout gonflé, ils sont morts. Et puis moi, je me suis retrouvée dehors, je me suis mise à marcher. Il n'y avait absolument personne. Tout à coup j'ai vu un berger arabe, je me suis approchée. Il a eu pitié de moi, il m'a donné du lait, je l'ai bu, puis il m'a emmené dans sa tente, il m'a donné à manger, j'ai mangé, j'ai repris un peu mes esprits. Après, il m'a emmenée à Marash. Il m'a remise à l'orphelinat allemand de Marash. C'est là que j'ai étudié. En 1921, il y a eu des troubles, nous sommes venus à Alep. En 1946, nous sommes arrivés en Arménie. Après tout ce que mes yeux ont vu, comment ne suis-je pas devenue aveugle ?

 

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

 Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.

Le récit de Yetvart Markar Tachdoyan

Né en 1907 à Chadakh

Notre village s'appelait Gadjet dans la région de Chadakh. Les Turcs et les Kurdes sont venus envahir et dominer notre village. Le chef des Kurdes est venu tuer le frère de mon grand-père. Nous avons déménagé à Van où nous avions une maison. Mon père était un bon cuisinier, il travaillait dans un restaurant en Aykiéstan, où on l'appelait "Achdji Markar".

En 1915, lors de la défense de Van, les nôtres avaient résisté, mais quand les soldats russes ont battu en retraite, les nôtres ont été obligés d'émigrer. Tous les alentours étaient incendiés, saccagés remplis de cadavres.

Mon père, ma mère, mes oncles, mes tantes et mes grands-parents, tous ensemble, avec les autres émigrants, nous sommes arrivés à Iktir, puis nous avons traversé le fleuve Araxe. Nous avons habité à Achdarag, où se répandait une épidémie de typhus. En conséquence, toute notre famille fut anéantie, seuls ma mère et moi fûmes épargnés. Nous sommes venus à Erévan, dans la maison de mon cousin Mourad Tachdoyan. Là, ma mère est morte aussi. On m'a envoyé à l'orphelinat Polygone d'Alexandropol.

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

     Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

Le récit de Hagop Mourad Mouradian

Né en 1903 à Fentek dans le sandjak de Seghért, vilayet de Bitlis.

Mon père s'appelait Mourad, mon grand-père Mardiros. Nous étions 3 sœurs et 3 frères, nous habitions dans la province de Seghért, au village de Fentek. Dans notre village , il y avait de 50 à 60 familles "kourmantchis" c'est-à-dire des Kurdes Chrétiens (Yézidis), qui avaient de bons rapports avec les Arméniens. Ces Kurdes Kourmantchis ne s'entendaient pas avec les Turcs musulmans, mais ils n'ont jamais levé l'épée envers les Arméniens. Ils ne commettaient pas de crimes.

Les villageois de Fentek s'occupaient d'élevage de bêtes et de travaux agricoles, et de vannerie. Il n'y avait pas de marché. De Fentek nous allions faire nos achats à Tchéziré. A Fentek, il n'y avait pas d'école, aucune institution pour étudier. Il y avait seulement un maître venu de Tehér, qui nous enseignait à écrire avec des caractères kurdes. En 1915, j'avais 12 ans quand les "askiar" (les soldats) turcs sont entrés dans notre village, ils se sont mis à démolir les maisons des Arméniens. Ils ont tué mes deux frères, ils ont enlevé mes trois sœurs.

Ils ont anéanti notre communauté.

Ma mère m'avait confié à de gentils Kourmantchis pour qu'ils me gardent, c'est ainsi que j'ai été sauvé. J'ai vu de mes propres yeux beaucoup de choses horribles. Les Turcs ont massacré tous les Arméniens. Grâce aux Kourmantchis, quelques habitants ont pu rester en vie, ils arrivaient à subsister en rendant quelques services, ou en mendiant.

Un jour dans la maison de mes gentils Kourmantchis j'ai trouvé un poignard, je l'ai pris pour aller tuer les Turcs. Ils m'ont dit: "Qu'est-ce que tu fais ? C'est eux qui vont te tuer ! Dans ce village, il y avait beaucoup de réfugiés arméniens qui étaient venus, et ils étaient prêts à défendre leur vie.

Puis nous sommes partis au village de Ouasgué. Là aussi il y avait 50 ou 60 familles Kourmantchis qui habitaient. Là je me suis marié avec une jeune fille qui s'appelait Khalila. Elle était Kourmantchie.

Nous avons eu 2 fils et 3 filles, j'ai donné à mes enfants les noms des martyrs de ma famille: par exemple j'ai donné à mon fils le nom de mon père, à ma fille, le nom de ma mère (il s'est ému, il s'est mis à pleurer , V.S.) J'aurais voulu me venger des Turcs, mais je n'avais aucun moyen. Ces Turcs-là n'étaient pas des êtres humains.

Quelques années plus tard, inquiets, nous sommes sortis de ce village, nous sommes partis à Istanbul, nous avons été hébergés par des connaissances.

Ensuite nous sommes allés à Tcheziré. Nous nous sommes établis; j'ai ouvert une boutique; j'ai acheté un terrain, j'ai rendu grâce à Dieu d'être resté en vie. Là, il y avait déjà beaucoup de Syriens. Un jour j'ai appris que sur cette terre il y avait une Arménie. En 1966, nous y sommes venus. Aujourd'hui, j'ai plus de 30 petits-enfants. Ils poursuivent tous leurs études dans des écoles arméniennes. La plupart savent aussi le kurde, puisqu'ils l'ont entendu de leurs grands-parents.

(ce récit a été fait en kurde, car le témoin est un Arménien kurdophone. Il a été traduit en arménien par une interprète Tchenfira Khadiyan

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

      Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

Récit de Vazken Hovsép Satatian

Né en 1907 à Adabazar

En 1915, toute la famille a été déportée dans les déserts. Nos deux familles étaient riches. Nos parents ont fait un arrangement avec la propriétaire grecque d'un hôtel pour qu'elle nous cache dans sa cave. C'est ainsi que nous avons été sauvés. Mais le reste a été déporté à Der Zor.

Nous sommes restés dans cette cave pendant plus d'un an. Nous donnions une livre-or par jour. Quand notre or a été épuisé, cette Grecque, par l'intermédiaire de connaissances turques nous fit passer pour des personnes qui lavaient les vêtements militaires turcs. De cette façon, nous avons été sauvés jusque l'armistice de 1918. Nous sommes restés là, puis nous sommes retournés dans notre maison. Il y avait des Turcs qui avaient pris possession de notre maison.

Puis nous avons appris que le frère de mon père, l'évêque Smpat Satatian avait été arrêté le 24 avril 1915 par les Turcs, avec d'autres intellectuels, et qu'ils avaient été déportés dans les déserts. Les Turcs l'avaient emmené, l'avaient obligé à creuser sa fosse de ses propres mains, ils l'avaient tué et jeté dans la fosse.

En 1920, les Grecs sont arrivés, ils ont conquis notre ville, mais en 1922, ils ont renoncé, ils se sont sauvés, et nous aussi nous sommes partis avec eux à Izmir. Là, tous les Chrétiens s'étaient amassés. Dans la principale église, les Arméniens s'étaient rassemblés, environ un millier d'Arméniens. Tous se demandaient si les Turcs allaient pouvoir venir les massacrer.

C'est pourquoi ils ont fait une collecte, ils ont écrit une lettre en français, disant que nous étions menacés d'être massacrés. Un garçon, parlant turc, est allé à l'ambassade de France. L'Ambassadeur, avec le drapeau français, est venu avec sa troupe, il a conduit toute la foule qui était à l'église au port, qui était plein d'Arméniens et de Grecs. Au loin se tenaient des vaisseaux français, italiens, anglais. Des soldats sont sortis des vaisseaux, un par un, pour empêcher les Turcs de nous tuer. Mais les nuits, les Turcs venaient enlever les filles, des cris s'élevaient, du tumulte. Les vaisseaux allumaient leurs projecteurs pour leur faire peur et les faire fuir.

Nous sommes restés près d'un mois sur le quai, dehors. Finalement, des vaisseaux grecs nous ont conduits en Grèce. Ils ne nous demandaient pas si nous étions Arméniens ou Grecs. Les gens étaient entassés, certains ont été piétinés, chacun voulait sauver sa peau. Nous, en Grèce, avons été très bien accueillis et recueillis.

En 1932, avec le programme de rapatriement, nous sommes venus en Arménie.

En 1949, nous avons été exilés (Aldayski gra?) en tant que Tashnagtsagan. Nous y sommes restés 6 ans. J'ai travaillé comme tailleur. Finalement en 1956, nous avons été innocentés. Nous sommes revenus en Arménie déclarés non coupables.

 

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

      Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

Récit de Parouhi Silian

Née en 1900 à Nicomedia

Je suis née dans le village de Ovadjek

Nous y vivions bien, nous avions des maisons, des terres. A Stamboul les pachas arméniens faisaient de grandes choses; les Turcs avaient peur d'eux, puisque les affaires étaient toutes entre leurs mains.

S'ils avaient voulu, ils auraient pu avoir le pouvoir, c'est pour cela qu'on nous a enlevé de nos maisons et de nos terres, on nous a envoyé sur les routes de l'exil.

Nous sommes restés douze mois dans le désert, sans pain, ni eau, ni maison, sans rien. D'une famille de 9 personnes, je suis la seule à avoir survécu. Ils ont tué ma mère devant mes yeux, ils ont enlevé ma sœur, mon autre sœur était petite, elle est tombée malade, elle est morte; l'autre s'est perdue, nous ne nous sommes pas retrouvées. Ils ont éventré ma belle-sœur enceinte, en disant: l'enfant de cette giavour est-ce une fille ou un garçon ? Voyons ! ils ont fait ça devant nous.

Moi avec 4 autres filles, je me suis sauvée dans les forêts, il y avait une rivière, nous l'avons traversée à la nage. Un Arabe m'a emmené chez lui, il m'a dit: Ma fille, c'est vrai que ce n'est pas dans vos coutumes, mais viens que je te couvre la figure d'encre bleue pour ne pas qu'on te prenne pour une Arménienne. Moi j'ai pleuré, je n'avais pas de linge, pas d'habit. Il m'ont tatoué la figure, ils m'ont coupé mes grosses nattes, ils m'ont tondue. Je faisais les travaux de la maison.

Un jour cet Arabe est venu avec sur son âne un garçon arménien, ils l'ont appelé Abdullah, mais lui m'a dit secrètement que son vrai nom était Avédis. Notre maître lui a donné ses moutons à garder.

Près de la ville de Cham (Damas, ndt) il y avait un camp militaire, ils ont fait savoir que tous ceux qui avaient des enfants Arméniens chez eux devaient les leur remettre. Notre maître ne nous a pas livrés. Une nuit, avec Avédis nous nous sommes sauvés. Nous sommes entrés dans l'orphelinat arménien.

De là on nous a emmenés en Grèce. Nous avons travaillé dans une usine de figues. Puis en 1928 nous sommes venus en Arménie.

 

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

      Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

Récit de Payloun Bédros Dérdérian

Né en 1907 à Kharpert, village de Yéghék

Je suis né au village de Yéghék, mon grand-père était le meunier du village (moulin à eau). Les Turcs sont venus, ils l'ont attaché, ils l'ont emmené. Ils emmenaient tout le monde. Ma mère racontait qu'ils avaient donné 41 livres turques d'or jaune au Commandant pour qu'il les délivre. Il avait répondu: "Maintenant je ne peux rien faire, je peux seulement afficher un papier sur votre porte, disant: "ceux-ci sont turquifiés". Ils ne vous toucheront pas."

Cela s'est passé comme ça; ils ne nous ont pas touché. Ma mère tissait de la toile, elle nous gardait, mes deux sœurs et mon frère. A cette époque mon père était en Amérique. Quand il a appris que la situation à Kharpert était mauvaise, il est venu, mais en route les Turcs l'ont tué. C'est ainsi que nous sommes restés orphelins.

En 1921, les Américains sont venus, ils emmenaient les orphelins arméniens en Amérique, ma mère a pensé qu'ils feraient de nous des valets, elle est allée louer des muletiers, elle nous a emmenés à Alep, là nous avons vécu dans le quartier appelé "Goek Meydan" (Place du Ciel).

Puis nous sommes partis en France. En 1936, nous sommes venus en Arménie avec 1200 Arméniens.

 

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

      Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

Récit d'Aram Keusséyan

Né en 1908 à Kharpert

J'avais 7 ans en 1915, quand l'ordre nous a été donné de partir de Kharpert.

Nous sommes partis, bien habillés, comme si nous allions à un mariage.

En route, le pillage a commencé. Non pas en une seule fois, mais tous, les uns après les autres, ils prenaient tout ce qu'ils trouvaient sur nous. A la fin, il ne nous restait plus que notre linge de corps, et même ça, ils le voulaient.

Moi j'étais dans le chariot. Maman me fermait les yeux pour que je ne voie pas les morts sur la route. Puis, maman et mon frère sont restés sur la route, ils ne pouvaient plus marcher. S'ils sont morts ou ce qu'ils sont devenus, je ne le sais pas. Les Turcs arrivaient derrière nous. Ils ramassaient tous les enfants, je ne savaient pas s'ils voulaient nous tuer ou quoi, ou nous adopter. A Der Zor il y avait une fille qui avait sept sœurs, elles avaient toutes été enlevées. Les Arabes nous ont dit en secret: " que ceux qui sont Arméniens ne partent pas" ! Ils nous ont pris, ils nous ont sauvés, ils ont sauvé pas mal d'Arméniens.

Nous n'avions plus de force, nous avions tellement marché. Finalement, on nous a autorisé à nous arrêter. Ils ont commencé à demander aux grands: tu es Arménien ou Turc ? Ceux qui disaient "je suis arménien", ils les mettaient de côté., et les Turcs de l'autre côté. Les Arméniens, ils les ont tous emmenés au loin, ils les ont tués, ceux qui avaient dit qu'ils étaient turcs ont été sauvés. La nuit , ils nous ont rassemblés, nous les petits dans un endroit comme une colline. Nous étions fatigués, nous nous sommes couchés. Nous nous sommes endormis. Nous étions des enfants innocents, nous ne savions pas, cette colline était un entassement de crânes humains, nous nous en sommes aperçus le matin quand il a fait jour, c'étaient des têtes coupées amoncelées. Dire que toute la nuit nous avions dormi là-dessus, mais nous ne le savions pas.

 

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

      Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

Récit  de Mouchégh Sarkis Démirdjian

Né en 910 à Arapkir

Mon père s'appelait Sarkis, ma mère Saténig, née Térian. Ils ont eu 3 enfants: Varsénig, Mouchégh, Arménouhie. Mon père avait deux frères: l'aîné Garabéd, sa femme Elmas; ils avaient 4 enfants: Khatchadour, Zabél, Avédis, Lévon; tous les 4 mariés, et pères de famille. Le fils cadet: Mardiros, sa femme Maritsa. Ils avaient 4 enfants: Krikor, Aroussiag, Marane, Antranig. Tous mariés, pères de famille.

Mon père et ses deux frères avaient reçu de leur père des habitations, une fabrique de ferronnerie, où ils travaillaient ensemble.

A environ 10 km d'Arapkir, en un lieu appelé Anti, habitait un Agha turc qui les connaissait et les considérait comme de bons artisans; c'est grâce à lui que nous tous n'avons pas été déportés et avons apporté notre aide aux habitants du lieu. Moi j'allais à l'école. A une certaine époque, j'étais même enfant de chœur.

Nous sommes donc restés ainsi à Arapkir jusque 1922. Certains sont morts pendant la guerre, d'autres sont restés. Pour nos trois familles, la vie matérielle s'était améliorée, mais l'animosité envers les Arméniens continuait et devenait plus violente. De sorte qu'en 1922, nous avons décidé d'émigrer. Au bout de 5 – 6 jours de marche, nous sommes arrivés à Alep. Là, mon père a ouvert une épicerie, ainsi nous assurions notre subsistance. Deux ans plus tard, nous avons déménagé à Beyrouth, d'où, avec un passeport familial, nous sommes allés à Marseille en bateau. Là, un organisme nous a envoyé dans une ville (Grand-Lemps), mon père a trouvé du travail dans une entreprise de tissage. Moi j'allais à l'école. Au bout de six ans, nous sommes allés en famille à Lyon. Mon père a trouvé du travail chez Berliet, une fabrique de camions. Mes sœurs se sont mariées. Moi je suis resté avec mes parents jusqu'à la mort, d'abord de mon père, ensuite de ma mère.

Le frère de ma mère, Terzian Garabed, sa femme Saténig, leurs 3 enfants Krikor, Mardiros Araxie, ainsi que ma tante, la sœur de maman, Siranouche, son mari Mardiros, leurs enfants Garabed, Mariam, et Krikor, ont été déportés en 1915, ils ont tous péri au cours du génocide.

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

      Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

Récit de Bédros Kéchichian

Né en 1909 à Darson

Darson se trouve en Cilicie, près d'Adana, près de Mersine, au bord de la Mer Méditerranée. Avant que la déportation ait commencé, mon père avait un ami turc, qui est venu lui dire: "Cette nuit vous allez être déportés, il faut que tu t'éloignes avec ta famille".

Mon père a suivi le conseil de cet ami turc. Nous nous sommes immédiatement mis en route.

C'est ainsi que nous avons pu être sauvés.

 

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

      Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

Récit de Ghazaros Khrimian

Né en 1911 à Darson

Mon père était chaudronnier, étameur et aussi armurier. En 1915, il avait déjà été incorporé dans l'armée turque. Un jour, par chance, il est venu nous voir, puis il est reparti.

C'est pourquoi nous n'avons pas été déportés, car nous avons dit que nous avions notre père qui servait dans l'armée turque. Mais nous avons appris qu'il était mort.

En 1921, j'avais neuf ans et demi, quand nous sommes allés au port syrien de Lataquia.

Puis nous sommes allés à Beyrouth. Là ma mère m'a confié à un orphelinat à Mamlouled, où il y avait 110 orphelins comme moi .

Ensuite nous avons été transférés dans un orphelinat américain.

En 1923, par suite de malnutrition, nous avons tous été atteints d'une maladie de la vue (héméralopie, ndt). Et presque tous les orphelins ont attrapé la malaria, beaucoup sont morts.

On nous a distribué du papier et un crayon, pour que ceux qui avaient de la famille leur écrivent, pour qu'ils viennent nous chercher.

C'est après cela que j'ai été transféré à l'orphelinat d'Antélias de Beyrouth.

 

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

      Récit recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.                       

Récit de Soghomon Roupén Yéténiguian

Né en 1900 à Mersine

Je ne souhaite pas à mon ennemi de voir ce que mes yeux ont vu.

Mon cœur s'arrête sur le chemin de Der-Zor, pour que je me remémore tout.

300 à 400 femmes et jeunes filles ont enlevé leurs ceintures; elles se sont attachées les unes derrière les autres, et se sont jetées dans l'Euphrate pour ne pas tomber aux mains des Turcs.

On ne voyait plus l'eau couler, les corps recouvraient le fleuve, ils étaient entassés les uns sur les autres, les chiens étaient devenus enragés à force de dévorer la chair humaine..

(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)

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