Questions – Réponses
avec Maître Philippe
KRIKORIAN
WAN :
Monsieur Philippe
KALFAYAN avance dans
son dernier article
(http://www.huffingtonpost.fr/philippe-kalfayan)
selon lesquelles
les griefs
d'inconstitutionnalité
de la loi n°2001-70
du 29 Janvier 2001,
pris isolément,
seraient fondés.
Sur la
constitutionnalité
de la loi de 2001
« Ainsi, le Pr
Chagnollaud serait
heureux d'apprendre
que ni les
sénateurs, ni les
députés, n'ont dans
leurs saisines
respectives contre
la loi Boyer
expressément soulevé
le moyen
d'inconstitutionnalité
de la loi de 2001.
Les allégations
d'inconstitutionnalité
de la loi de 2001,
prise isolément,
seraient fondées. En
effet, la loi de
reconnaissance du
génocide arménien de
2001 est purement
déclamatoire et n'a
pas de portée
normative. Le
parlement ne peut
qualifier
juridiquement un
génocide; il peut
simplement en
reconnaître
politiquement son
caractère notoire. »
Réponse de Maître
Philippe KRIKORIAN :
Je ne
puis, à cet égard,
que m'inscrire en
faux.
En
effet, comme je l'ai
établi à maintes
reprises dans mes
différents recours
et publications, la
loi par laquelle "La
France reconnaît le
génocide arménien de
1915" est
parfaitement
normative: elle
établit
juridiquement le
fait
imprescriptible, le
qualifie de
génocide,
conformément au Code
pénal et le rend
opposable à toutes
les personnes
relevant de la
juridiction de la
France.
L'invocation, ici,
de l'article 69, § 6
du Statut de Rome (
Cour pénale
internationale )
relatif aux faits
"notoires" n'est pas
pertinente puisque
ce texte ne concerne
que la preuve des
faits de la
compétence de la CPI
( génocides, crimes
contre l'humanité,
crimes de guerre ),
qui auraient été
commis à compter du
1er Juillet 2002, ce
qui n'est pas le cas
des faits de 1915
dont les auteurs
disparus ne peuvent,
aujourd'hui, être
déférés devant
aucune juridiction.
Cependant, comme le
juge la Cour
internationale de
justice (CIJ, 26
Février 2007,
Affaire relative à
l'application de la
Convention pour la
prévention et la
répression du crime
de génocide -
Bosnie-Herzégovine
c.
Serbie-et-Monténégro,
n°91, §§ 148 et 149,
p. 56 ), "Le fait
qu'une telle cour ou
un tel tribunal
n'existe pas ne
signifie pas que les
obligations
n'existent pas. ( …
)" (arrêt cité dans
la requête en
récusation du 04
Février 2012, p.
42/71).
Il
est vrai que dans
son arrêt du 12
Décembre 2007 le
Tribunal fédéral
suisse a reconnu que
le Génocide Arménien
faisait l'objet d'un
consensus notamment
scientifique.
Cependant, le
principe de légalité
des délits et des
peines nécessite, en
France, que le délit
consistant à
contester
l'existence d'un
génocide soit
suffisamment défini
(qualités de
prévisibilité et
d'accessibilité de
l’incrimination).
Cela implique
nécessairement que
le crime contre
l'humanité
susceptible de
négationnisme soit
clairement
identifié. Le
critère de la
reconnaissance par
la loi satisfait à
cette exigence du
procès équitable.
La
thèse du Conseil
constitutionnel
relative à la
normativité de la
loi est radicalement
anti juridique et
doit être combattue
selon les voies de
droit. C'est cet
objectif que
s'assigne la requête
en récusation des
membres du Haut
Conseil à laquelle
il convient
d'assurer la
diffusion la plus
large possible
auprès du public.
WAN :
Nous avons cru
comprendre que
certaines
organisations en
France dans un
appel
urgent du
03.02.2012 au
boycott de la
procédure du Conseil
National Arménien,
ayant
pleinement confiance
dans les
institutions de la
République, et
notamment dans les
juges du Conseil
Constitutionnel
seraient prêtes à
saisir la Cour
Européenne des
droits de l’Homme au
cas où la loi serait
déclarée
inconstitutionnelle
et Monsieur Arménag
APRAHAMIAN a déclaré
que pour saisir la
CEDH et accéder à la
recevabilité du
recours, il était
nécessaire de saisir
toutes les voies de
recours internes en
France, qu’en
pensez-vous ?
Réponse de Maître
Philippe KRIKORIAN :
C'est tout le
problème de
l'amateurisme de la
part de ces
organisations !
En
tout état de cause,
la procédure est
nécessaire, dans la
perspective d'une
prochaine saisine de
la Cour européenne
des droits de
l'homme, après
qu'auront été
épuisées toutes les
voies de recours
internes.
Le
respect de
l'Institution ne
doit pas se
confondre avec une
crainte
révérencielle,
laquelle n'a pas
lieu d'être,
spécialement lorsque
le dysfonctionnement
est manifeste, comme
en l'espèce.
L'article 15 de la
Déclaration des
droits de l'homme et
du citoyen du 26
Août 1789 (DDH), qui
a pleine valeur
constitutionnelle,
en atteste: "La
Société a le droit
de demander compte à
tout agent public de
son administration."
La
création d'une
commission d'enquête
parlementaire
(article 15 DDH et
article 6 de
l'ordonnance du 17
Novembre 1958 sur le
fonctionnement des
assemblées
parlementaires) que
nous allons
prochainement
demander, me semble,
sous cet angle,
particulièrement
opportune.
Exercer cette action
citoyenne inédite
dans l'histoire de
la République, comme
vous l'avez fait
courageusement, - qui
procède du droit de
résistance à
l'oppression (art. 2
DDH) et de la
garantie des droits
(art. 16 DDH) -
relève, dès lors, de
la conscience de
chacun: la
démocratie
aurait-elle un sens
si celui chargé de
faire respecter les
principes
constitutionnels ne
se les appliquait
pas à lui-même?
Merci
Maître.
Si
vous souhaitez poser
d'autres questions à
Maître Philippe
KRIKORIAN,
écrivez-nous à
haybachdban@wanadoo.fr
Canard Enchaîné du
15.02.2012