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Նոյեմբեր 2007
թ
Témoignage
Je suis née à
Constantinople le 11 février 1988. Je suis issue d'une famille
arménienne originaire de Keghi attaché jusqu'au génocide à la région
de Garin.
Mes ancêtres ont dû prendre des noms musulmans pour pouvoir
survivre. Mon arrière grand père Mofses était un rescapé du génocide
de Abdul Hamid. Vers la fin 1900, il s'était réfugié chez un autre
arménien Bako (il y a un village jusqu'au génocide au nom de notre
arrière grand père : Bakiyan. Ce village existe toujours mais pas
dans l'administratif turc.) qui se faisait passer pour kurde afin de
continuer à vivre. Puis il s'est marié avec la fille unique de cet
arménien qui avait auparavant été contraint à renoncer à son
identité arménienne. Depuis cette période, notre famille souffre de
n'appartenir à aucune identité. Finalement notre famille est devenu
ni kurde, ni turque, ni arménienne, ni chrétienne, ni musulmane...
En conséquence, mon grand-père âgé de 80 ans qui n'est pas musulman
contrairement à ce qui est inscrit sur sa carte d'identité est
obligé de rester enfermé chez lui chaque vendredi pour éviter les
questions des fidèles qui ne le voient pas aller à la mosquée.
Mon père, qui avait obtenu avec beaucoup de difficulté un poste de
fonctionnaire au service des Postes turques a systématiquement subi
un harcèlement moral parce qu'il n'était pas musulman.
Les pressions devenant insupportables pendant la période du ramadan,
ils sont finalement parvenus à lui faire abandonner son travail.
Quant à moi, j'ai été obligé d'assister au cours de religion (Islam
Sunnite) à l'école. Un jour, en 1ère année de lycée, à l'age de 15
ans, mon professeur m'a demandé de prier en classe. N'étant pas
issue d'une famille musulmane je n'y connaissais rien. Lorsqu'il a
remarqué mon ignorance des prières et de la religion, il s'est fâché
contre moi et m'a demandé si je n'étais pas musulmane. Je n'étais
pas musulmane mais j'ai eu peur de le dire. Après les cours, pendant
la pause, un groupe de garçons de ma classe est venu en me posant la
même question en se moquant de moi et en me bousculant de plus en
plus violemment. J'ai tenté de me défendre et il se sont acharnés
contre moi. Ces agressions m'ont traumatisé et je n'ai pas pu aller
l'école pendant une semaine, ma famille n'a rien su faire pour me
défendre.
Cette situation m'a plongé dans une telle détresse que j'ai tenté
plusieurs fois de mettre fin à mes jours. Si je n'y suis jamais
parvenu et si je vous écrit aujourd'hui c'est parce que j'avais
l'espoir qu'un jour je puisse enfin quitter ce pays et venir vivre
ici en France avec ma tante. C'est l'espoir qui m'a sauvé la vie et
qui aujourd'hui encore me donne la force de vivre.
Après l'obtention de mon baccalauréat scientifique à Constantinople,
je suis arrivée en France le 6 septembre 2005 à l'age de 17 ans avec
un visa d'étudiant de 14 mois, grâce à ma tante et mon oncle, qui
ont effectué toutes les démarches nécessaires.
Mon but aujourd'hui est de suivre des études de droit et de me
spécialiser par la suite dans le droit international, les droits de
l'homme et les libertés fondamentales afin de me consacrer à la
défense du peuple arménien et des arméniens victimes d'injustices.
Loussine Dagliyan
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Récit n° 3
recueilli par Verjine Svazlian, ethnologue.
Le récit de Hagop Manoug
Krikorian
Né en 1903 à Sassoun, Dalvorig
Notre pays était un
pays montagneux, il y avait beaucoup de monts et de vallées. Nous
gardions des bêtes. Notre village était un petit village. Nous
payions des impôts à l'État. Nous donnions nos meilleurs morceaux au
Turc. Le village était en plaine. Il y avait beaucoup de sources.
Nous habitions chez notre père Manoug, avec notre oncle Garo et sa
famille. En tout, nous étions 20-25 personnes.
Le village de Dalvorig faisait partie d'une trentaine de villages,
qui étaient tous arméniens. Tous les villages n'avaient pas d'école.
Moi je n'ai pas été à l'école. Je gardais les bêtes, les moutons.
Chaque village avait son église. On venait en pèlerinage dans notre
village. A Pâques nous teignions les œufs, nous les cognions, les
rouges contre les verts Nous fêtions Vartavar, nous faisions des
jeux.
Nous faisions des feux dans les champs. Certains allaient à Alep en
pèlerinage. Le chef du village était Abrène. Il faisait des réunions
avec les fédaïs. Les Turcs emmenaient nos fils dans l'armée turque.
Ils les massacraient.
En 1915, les Arméniens se sont battus contre les Turcs, les fédaïs
sont venus se battre. Les troupes turques sont venues nous
massacrer. Nous nous sommes enfuis dans les montagnes et les forêts.
Les Turcs nous ont tous tués. De notre famille, moi seul ai pu être
sauvé. Ils les ont tous tués devant mes yeux. Nous nous sommes
enfuis. Nous sommes restés dans un village turc en ruines. Chez un
Turc je gardais les moutons. Je coupais les broussailles, je les
apportais à mon maître.
Un jour on a appris que des volontaires arméniens arrivaient. En
1917, des gens de la Croix Rouge sont venus, ils nous ont trouvés,
ils nous ont emmenés. Ils nous ont amenés à Moush, puis au village
de Khenous khozlou. De notre village, nous ne fûmes que deux à être
sauvés. Les Arméniens de ce village nous ont cachés. Avec les
habitants de Khenous, nous avons pris le chemin de l'émigration;
cela a duré des mois jusqu'à notre arrivée à Nakhitchévan, puis Khoy,
puis nous sommes arrivés du côté de Kiavara, puis Taralakiaz,
ensuite nous sommes arrivés dans le village d'Achnag. A ce moment-là
déjà les Turcs étaient chassés. Déjà les Soviets arrivaient.
En 1928, je me suis marié.. J'ai eu huit enfants:
Moushégh, Sirouch, Astrig, Anahid, Haygouch, Bédros, Dikran, Loussia.
Puis j'ai été à la guerre. Je suis arrivé en Hongrie. La guerre a
pris fin. J'ai été démobilisé.
"Je suis un vaillant fils de Dalvorig,
Je ne m'incline pas devant le Turc".
(Traduction de l'arménien par Louise Kiffer)
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