KHRIMIAN HAYRIG

        C’est Meguerditch KHRIMIAN (1821-1907), surnommé Hayrig (le petit père), patriarche de 1869 à 1873, catholicos de 1893 à 1907, qui, l’un des premiers fonde l'idée du YERGIR.

        Né à Van, ce laïc entré tardivement dans les ordres mène à Constantinople des activités parallèles de journaliste et d’historien. Passionnément attaché au Hayastan et à son peuple, il publie à partir de 1855 un périodique, Artzvi Vaspouragan (l’Aigle du Vaspouragan). En 1857, il retourne à Van, s’installe dans le couvent de Varag où il poursuit l’édition de son journal. Il y dénonce l’immense misère matérielle et morale du peuple Hay. Pour lutter contre les « ténèbres, il crée une école à Van (1858) puis, devenu abbé du monastère de Sourp-Karapet, au-dessus de Mouch, il fonde un nouveau périodique, Artzvig Tarônoi ( l’Aiglon du Taron) (1863). Par sa voix, « c’est tout le Hayastan, abandonnée qui appelle à son secours tous ses enfants. Démocrate, combatif, il se heurte aux conservateurs de l’Eglise et de la société, mais par ses appels à la révolte, il politise la jeunesse Hay (Hay Yéridasartoutioun).

RAPPEL

- Guerre Russo-Persane de 1826-1827                                     - Guerre Russo-Turque de 1827-1828

En 1862, de véritables massacres eurent lieu dans la région du Taurus (Sassoun).

La révolte de Zeytoun (1862), dont les habitants défendent contre le Sultan, leur autonomie séculaire, les troubles de Van et de Garin (Erzeroum), provoquent des interventions successives des pétitionnaires arméniens de Mouch et du Vaspouragan, auprès du grand Vizir, montrent bien que l'esprit de résistance et de conscience nationale sont réapparus chez les Hays au cours de ces années.

En 1869, avec l'élection de Khrimian Hayrig au patriarcat, les Hays eurent enfin un défenseur résolu à remplir tout son devoir. Il présenta sans relâche l'état des populations Hays mais sans résultat, les atrocités se poursuivaient.

        A la veille de la guerre Russo-Turque de 1877-1878 la situation des Hays de Hayastan était aussi difficile et même pire que celles des Serbes en Bosnie ou des Bulgares en Roumélie et Macédoine.

    Pendant la guerre Russo-Turque, les généraux arméniens au service de la Russie donnèrent vraiment toute leur mesure. Le général Loris Mélikian fut le commandant en chef de l'Armée du Caucase pendant cette campagne. Parmi les généraux placés sous ces ordres mentionnons le général Lazarian qui commandait l'aile gauche de l'armée russe  à la bataille de l'Arpa-Tchaï. Ce fut lui qui effectua le mouvement tournant qui aboutit à la destruction de l'armée de Moukhtar Pacha et qui décida du sort de la campagne. Au cours des opérations devant Garin (Erzeroum) ce fut un officier d'état-major arménien, Tarnaian, qui conçut et exécuta l'audacieuse attaque sur le fort d'Azizi et paya de sa vie ce fait d'armes. Quant au général Ter-Goukassian (un grand ingénieur militaire) il commandait le corps qui opéra en Arménie Méridionale. Ce fut également, dans cette partie du théâtre d'opérations que furent engagés les bataillons de volontaires Arméniens qui combattirent dans les rangs russes au cours de cette guerre. Ils prirent une part glorieuse à la seconde défense de Bayazid. Ils faut également relever les brillants états de service des Arméniens dans les unités de garde-frontières, surveillant les confins de la Transcaucasie. Ce corps d'élite qui maintient l'ordre dans ces régions montagneuses sans cesse parcourues par les bandes armées et les kurdes nomades, comprenait dans ces rangs nombreux Arméniens.

        LE FEDAY : mot persan qui signifie "le dévoué, le sacrifié". Sorti du peuple, intellectuel, prêtre ou paysan, le Féday est un révolutionnaire armé (dans le sens du révolté contre l'oppresseur), qui a voué sa vie à ce peuple qu'il défend et qu'il réveille par ses actions et par son sacrifice. S'il porte en lui des traits empruntés aux Haydouks (bulgares) et aux Garibaldiens, il est aussi l'héritier des actions antérieures à la création des partis politiques. Ce qui signifie qu'aucune idéologie politique n'a pu jusqu'à aujourd'hui soumettre  l'Esprit du Féday, son instinct de survie et son combat pour la Nation.

         Le Féday a un rôle précis: évitant dans la mesure du possible toute action offensive, il doit secourir la population en danger et surtout leur apprendre à lutter. Les Fédays constitués  en groupes d'intervention et de combat mobiles de dix à quinze personnes, forgés d'un esprit particulièrement  affiné à surmonter toutes les épreuves et handicaps, est encore aujourd'hui l'arme la plus efficace pour protéger des populations civiles. Toutes les plus grandes armées du monde cherchent à reproduire cette esprit au sein de leurs commandos, ce qui est l'une des tâches les plus difficiles. Le Féday, est un spécialiste non professionnel de l'Art de la Guerre. A l'image du Samouraï Japonais (dont il aura fallut deux bombes nucléaires pour les stopper), il cultive l'Esprit de sacrifice et le préserve pour le moment venu.

LES TRAITES DE SAN STEFANO ET DE BERLIN (1878)

         Les démarches du patriarche auprès des négociateurs russes aboutissent à l'article 16 du traité de San Stéfano, le 3 mars 1878, où sont prévues des réformes immédiates en faveur des Arméniens de l'Empire, et où l'Arménie est pour la première fois mentionnée. Jugé inacceptable par l'Autriche et surtout l'Angleterre, que la convention de Chypre lie désormais au Sultan par un traité défensif orienté contre la Russie. A cette occasion, le  Sultan fit cadeau au premier Ministre sioniste d'Angleterre Disraéli de l'île de Chypre, (qui pourrait servir de base d'accueil à des colonies juives fuyant la guerre).

      Le traité est donc révisé par le congrès de Berlin (juin-juillet 1878). Conduite par Khrimian  Hayrig,  la délégation Arménienne se présente au congrès de Berlin avec un programme d'autonomie administrative pour l'Arménie, inspiré du statut  du Liban (1861). Le Congrès qui règle surtout les affaires balkaniques, marquent une étape décisive dans le démembrement de l'Empire Ottoman en Europe. En Orient,  il autorise la Russie à annexer Kars, Ardahan et Batoum. L'article 61 du traité de Berlin, internationalise la Question Arménienne, mais ruine les espérances des Arméniens. Il atténue les promesses de l'article 16, et s'il reconnaît la nécessité des réformes, il soumet leurs applications au contrôle des Puissances, dont le concert est improbable. L'article 61 ne sera jamais appliqué.    

   Benjamin Disraeli, comte de Beaconsfield  (1804-1881)                         

   GENÈSE DU MOUVEMENT RÉVOLUTIONNAIRE HAY

NAISSANCE ET PROGRAMME DU PARTI ARMÉNAGAN

            Les déceptions consécutives à l’internationalisation de la Question Arménienne sont à l’origine des premiers appels à la révolte. Mais la propagande révolutionnaire (révolte) eût été vaine en Hayastan si celle ci n’avait pas donné elle-même les signes de son réveil. Dix ans après la révolte de Zeytoun, apparaissent des sociétés secrètes, « l’Union pour le Salut » à Van (1872), « la Société de la Croix Noire » à Van (1878),  « les Yégrabahs » (Protecteur de la Partie) à Garin (Erzeroum) (1881).

            C’est à Van que se constitue, en 1885, le premier Parti révolutionnaire Hay, le Parti Arménagan. Fondé par des instituteurs, formés à l’Ecole Normale de Van par Meguerditch Portoukalian, le Parti d’abord limité au seul Vaspouragan, a peu d’adhérents, mais il s’étend bientôt jusqu’en Perse et a ses partisans en Transcaucasie et même eux Etats-Unis, mais son recrutement actif se limite  aux Hays du Hayastan.

    C’est un parti de démocrates et de libéraux qui ont une claire perception de l’arriération économique et culturelle de la Nation. Mais, s’ils souhaitent le progrès et la « liberté nationale » ils préconisent l’emploi de la force armée et l’armement du peuple en vue de son autodéfense. Le Parti fonda le journal "Arménia" à Marseille. Des responsables du Parti tels que, Bédo, Avédissian et Mardig organisèrent la population en groupe d'autodéfense.

      Après la mort du père de Sébouh (Edvart Kéosséian) haut responsable du Parti Arménagan, durant les massacres de Van en 1895, les Dashnaks lui proposèrent de rejoindre leur structure, il refusa préférant préserver et développer l'existence du Part Arménagan. Tous les responsables Arménagan répondirent préférer poursuivre la lutte sans structure plutôt que de s'associer à un Parti venant de l'étranger (Genève et Tiflis).

      A Van, le 4 avril 1896, 500 Hays (toutes tendances confondues, Arménagans, Hentchaks et Dachnaks) armés percèrent les lignes Turcs et luttèrent durant 7 jours. Saadine Pacha et  son homologue Anglais sous les ordres de son premier ministre Disraéli, comprirent le danger d'une telle organisation et proposèrent un cessez-le feu. Aucun membre du Parti Arménagan n'accepta un compromis et refusèrent toutes transactions.

        Après avoir rejoint Van, les responsables Tashnaks encadrés par Aram, Papazian et Ishran demandèrent à rencontrer  Sébouh. Aucune entente ne fut trouver avec les responsables Tashnaks (leur malheureuse devise étant "Si tu n'es pas Tachnak,  tu es un traître") qui consacrèrent ensuite beaucoup d'efforts pour réduire l'influence et désarmer les Fédays du Parti Arménagan.....

EXTRAIT DE HAY AZADAKRAGAN AZGAÏN  par Meguerditch AVEDISSIAN (1870-1920) - Paris (1954)

Dossier Hay Djampa réalisé le 19 Novembre 2002