Nous,
Fils de la
Nation Arménienne qui sommes « devenus » Kurdes
et Turcs
Jusqu’à
une époque récente, il était tabou d’écrire sur
les Arméniens devenus par force Turcs ou Kurdes
sous le règne des Ottomans. La plupart d’entre
eux, vivant aujourd’hui en Europe de l’Ouest, en
Arménie Occidentale et en Cilicie ("Turquie
moderne"), vivent aujourd’hui une renaissance de
leur identité nationale. Après les Arméniens de
Hamshen, ceux de Sassoun, Mouch et du Daron, qui
furent convertis de force à l’Islam, sont
particulièrement enclins à parler de leur passé
et de leur présent. Ils tentent de retourner
dans le giron de leur nation en dépassant leur
« apparence », les noms et prénoms, de combattre
pour leurs droits et de récupérer l’héritage
historique de leurs aïeux massacrés par les
Turcs.
On peut rencontrer ces Arméniens
retournant vers leurs racines en Allemagne ainsi
qu’en Arménie, notamment à la suite de la guerre
en Irak et des événements à la frontière turque.
Certains Arméniens « Kurdes » ont combattu dans
les rangs du PKK (Parti des Travailleurs
Kurdes) ; déçus après la capture d’Ocalan, ils
sont partis en Allemagne où ils ont pu trouver
le champ libre pour l’activité politique et
nationale. Ils se sont installés à Francfort,
Wiesbaden, Stuttgart, Mayence et ailleurs.
« Je suis né à Karmir Khach (Kzl
Akhach), village du Daron. Nous avons échappé au
Génocide Arménien parce que nous avions feint
d’accepter l’Islam et nous parlions kurde. Mon
père et mon frère se sont engagés dans le PKK
pour combattre le fascisme turc, ils ont été
emprisonnés et torturés de nombreuses fois. J’ai
étudié et je travaille en Allemagne depuis
longtemps et je suis en contact avec la
communauté Arménienne et les forces
progressistes.
Mais en Arménie
Occidentale, notamment dans la ville
originellement Arménienne de Vardo, qui a été
frappée par un tremblement de terre dans les
années 60 et où vit ma famille, les violations
des droits de l’homme sont monnaie courante »
nous raconte Simon Kostanian (Sardet Kosdun),
qui a repris aujourd’hui son identité
arménienne.
Razmik Hakobian (Nureddin Yagub)
originaire d’un village de Cilicie était un
combattant du PKK, mais a été arrêté et
incarcéré dans l’une des terribles prisons
d’Ankara. Il est écrivain et metteur en scène,
ayant pour projet de réaliser un film sur la vie
des Arméniens de Diaspora.
« Mes parents avaient dissimulé
notre identité, en particulier parce qu’être
arménien est un affront qui ne peut s’oublier à
Adiamani, d’où je suis originaire. Malgré cela,
beaucoup d’Arméniens « Kurdes » ou « Turcs »
étaient appelés « guiavour ». Le film que
j’essaie de tourner a pour sujet un exilé
Arménien et retrace aussi l’odyssée d’Arméniens
Occidentaux survivants du Génocide. Je
réaliserai mes projets si je trouve le soutien
nécessaire en Arménie et avec l’aide de nos
compatriotes en Europe de l’Ouest » nous dit
Razmik.
Le nombre d’Arméniens, qui ne
découvrent que maintenant leur identité, surtout
à Sassoun et Mouch, s’élève à des milliers.
« Il y a environ 1000 Arméniens à
Mouch. Le gouvernement turc nous a oublié depuis
un moment parce qu’il doit s’occuper des Kurdes.
Les fils du peuple Kurde regrettent les actes de
leurs pères qui, aux côtés des Turcs, ont tué
des Arméniens » nous dit Armen de Mouch.
Par Hamo Moskofian à
Wiesbaden-Marseille.
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