28.08.2001г.
au Président d'Arménie,
Monsieur Robert KOTCHARIAN
et aux Présidents des
pays-coprésidents
du groupe de Minsk de l'OSCE
pour le Haut-Karabagh
Monsieur Vladimir POUTIN, Président de Russie
Monsieur Georges BUSH, Président des Etats-Unis
Monsieur Jacques
CHIRAC, Président de France
L'analyse des
échecs de la mission de médiation pour le règlement du conflit
arméno-azéri révèle un certain nombre d'obstacles majeurs dans cette
voie, parmi lesquels la déformation de l'essence, de l'origine et
des véritables causes du conflit dans la région.
Certaines de ces
déformations sont dues au chantage dont fait l'objet la communauté
mondiale de la part des autorités turques et azéries qui mènent une
vaste campagne de propagande et de guerre médiatique anti -arménienne
(en particulier, aux Etats-Unis, dans les médias et les milieux
officiels). D'autres sont le résultat de l'incompétence et de la
mauvaise foi des experts, fonctionnaires et responsables en matière
du conflit.
Quelles
falsifications ont donné le jour au bulletin politico-historique
plein d'erreurs et de mensonges, exprimant la position du
Département d'Etat des USA à la veille des pourparlers de Key West?
Comment
l'ambassadeur de Russie en Turquie a-t-il pu donner cette interview
à «Turkish daily news» le 16 mars 2001 qui, même s'il déshonore son
pays, est passée inaperçue au Ministère russe des Affaires
étrangères?
Sur la base de
quelle analyse, au nom de quels principes ou intérêts ont été prises
les quatre résolutions sur le conflit du Conseil de Sécurité de
l'ONU, inappropriées à la situation de la région, nuisibles et
dangereuses pour la cause de la paix et sommant les Arméniens de
rendre aux occupants leurs propres terres libérées?
Les principales
déformations de l'essence
du conflit arméno-azéri
1.Le
rôle progressiste qu'a joué la Russie en Transcaucasie avant le coup
d'Etat d'octobre 1917 est faussé (par ex., pour les Arméniens il
s'agit là d'une mission libératrice), en taxant ce pays de «prison
des peuples» et en amoindrissant l'apport de la civilisation russe
par le passé, ainsi que ses devoirs actuels politiques et moraux et
ses possibilités en matière de stabilisation de la situation dans la
région.
2.Sont
falsifiés par ailleurs le fait et les conséquences de la
soviétisation forcée et de l'occupation, par l'Armée Rouge, de la
Transcaucasie. Le fait est que les Arméniens et les autres peuples
de l'Empire russe (excepté les Finnois et les Polonais) furent
contraints
de choisir la voie de l'indépendance, cela dans des conditions de la
terreur et du régime haï, imposé par les bolchéviks (y compris aux
Russes eux-mêmes), et non pas à la suite d'une guerre de libération
nationale contre la Russie.
3.Au
lieu d'une position de principe, les Puissances occidentales ont
opté pour la voie contestable de deux poids deux mesures. C'est
ainsi que certains peuples (les Baltes, les peuples de l'Europe
centrale et orientale) sont logés à l'enseigne de «peuples
asservis», tandis que d'autres (par ex., les Arméniens) non, alors
qu'ils ont tous été soviétisés de force. De là, les traitements
imposés à la communauté mondiale à l'égard du destin de peuples
ayant souffert les uns autant que les autres et aspirant à la
libération sont loin d'être identiques. Notons en passant l'erreur
de ceux qui n'expliquent l'indifférence et le cynisme des grands
envers le sort des Arméniens que par l'absence de richesses
naturelles chez eux. La volonté des Arméniens de trouver leur juste
place géopolitique, leur rôle dans la région et dans le monde, ainsi
que les conséquences de ce choix peuvent avoir une valeur de loin
supérieure au pétrole et au gaz.
4.La
nature même du conflit est déformée. Il n'existe pas du tout de
conflit «autour du Karabagh». Le problème du Karabagh, de l'Artsakh
arménien, faisant partie de la cause arménienne non résolue, est en
grande partie réglé. L'Artsakh est presque complètement libéré à la
suite de la lutte contre l'agression déclenchée par l'Azerbaïdjan.
S'il y a conflit non réglé, il y en a entre, d'une part, le peuple
de l'Arménie Occidentale en exil, les parties de la République
d'Arménie de 1918-1921 démembrée et réduite aux actuelles République
d'Arménie et République du Haut-Karabagh, et, d'autre part, la
Turquie et son allié, l'Azerbaïdjan.
Le fond du conflit réside en
ceci : alors que l'Arménie Occidentale, Kars et le Nakhitchévan sont
toujours occupés, la Turquie et l'Azerbaïdjan cherchent par tous les
moyens à rétablir et à répandre l'occupation également sur l'Artsakh,
le Zanguézour, etc.
Par ailleurs, l'agression contre les Arméniens se traduit par le
blocus, une vaste campagne de propagande mensongère, renchérie sur
l'idée d'un échange de territoires, ainsi que d'autres actes
hostiles et des menaces.
5.La
falsification de l'histoire et des faits de la période soviétique a
pris un caractère particulièrement dramatique au début des années
90, lorsque les frontières administratives arbitraires de l'Etat
unitaire ont été transformées automatiquement, sans aucun processus
de négociations en frontières entre Etats (à la suite des accords de
Bélovej et la reconnaisance hâtive par la communauté internationale
des Etats nouvellement créés).
6.Bon
nombre de falsifications aujourd'hui répandues sont une survivance
de la mentalité de l'époque de la «guerre froide» (Ankara -
avant-poste de l'OTAN face à l'expansion communiste et Moscou -
capitale de l'Empire du mal). Alors que la nouvelle Russie quitte de
plus en plus son image de l'Etat soviétisé, la Turquie, quant à
elle, continue de toucher les dividendes politiques et économiques
de son rôle gonflé par le passé qui a d'ailleurs perdu toute son
importance aujourd'hui.
7.En
définitive c'est le but même de la médiation qui est déformé, et que
l'on pourrait résumer comme une sorte de retour (dans une manière ou
une autre) à la case départ, aux frontières administratives tracées
par les cartographes staliniens. La réparation des conséquences des
crimes des cartographes de Ribbentrop-Molotov à l'égard des pays
Baltes qui s'est traduite par une révision des frontières de l'URSS
établies par la force, a été vivement saluée par la communauté
mondiale. Cependant, cette même communauté ferme obstinément les
yeux sur les conséquences d'autres faits non moins criminels,
perpétrés par le couple Atatürk-Lénine, ayant imposé des frontières
qui sont devenues aujourd'hui une source de mal, d'hostilité et
d'instabilité dans la région. Les résultats de cet arbitraire
doivent être réparés au même titre.
8.Parmi
les falsifications citons par ailleurs l'idée, imposée à la
communauté mondiale, sur le caractère intangible des conséquences du
génocide. Le territoire du peuple exterminé reste, comme récompense,
entre les mains de l'Etat ayant perpétré le génocide. La victime ne
doit pas chercher à obtenir réparation de l'injustice historique.
Cependant, au fond, le génocide des Arméniens a été l'un des moyens
par lequel l'Empire ottoman a voulu se dérober à la décolonisation
complète. L'Azerbaïdjan, quant à lui, veut conserver par n'importe
quel prix les frontières, établies de façon criminelle, par le
système colonial soviétique.
La vérité sur les
origines
du conflit arméno-azéri
1.Les
réformes en Arménie Occidentale, proposées à l'initiative de la
Russie et soutenues par les grandes Puissances ont été finalisées
selon les normes du droit international en 1913. Cependant, elles
ont été interrompues en 1914 en raison de la Première guerre
mondiale et se sont soldées par le génocide des Arméniens de
1915-1923.
A la suite du
génocide le peuple arménien a perdu 1,5 mln de vies humaines et le
pays où il a vécu pendant des millénaires. Les Arméniens n'ont pu
survivre que sur une petite partie de leur territoire - en Arménie
Orientale, qui avait auparavant été libérée par la Russie.
2.Après
la victoire des pays de l'Entente lors de la Première guerre
mondiale les grandes Puissances ont examiné, dans le cadre de la
Conférence de Paix à Paris, la question arménienne, en tant que
renaissance de l'Arménie et défense des droits des Arméniens, ayant
apporté leur contribution dans la victoire contre les agresseurs.
Les frontières de l'Arménie ont été définies en particulier par le
traité de Sèvres et devaient être par la suite précisées par le
Président des Etats-Unis, Woodrow Wilson.
A cette époque-là
la République d'Arménie avait le contrôle du Nakhitchévan, de Kars,
du Karabagh et d'Erivan, et il s'agissait de sa réunion avec les six
provinces de l'Arménie Occidentale, conformément au traité de
Sèvres.
Cependant,
profitant de l'effondrement de l'Etat russe, les Turcs se sont à
nouveau emparés non seulement de l'Arménie Occidentale, libérée à
cette époque-là presque entièrement par les Russes, mais ils ont
envahi également la Transcaucasie et ont poursuivi les pogroms des
Arméniens en Arménie Orientale, à Bakou, etc.
3.A
la suite de l'abandon, de la part des grandes Puissances, des
principes déclarés haut et fort et des engagements vis-à-vis des
Arméniens, ainsi que la perfidie des bolchéviks, ayant signé en 1918
un traité séparé à Brest-Litovsk et plus tard, en 1921, un autre
traité criminel à Moscou, la République d'Arménie a été soviétisée
de force et démembrée.
Sous la
menace d'une occupation soviéto-kémaliste et sous le coup de
l'ultimatum la République d'Arménie a conclu le 10 août 1920 un
accord avec la RSFSR, en vertu duquel les territoires arméniens du
Nakhitchévan, du Zanguézour et du Karabagh, déclarés litigieux, ont
été
«provisoirement» occupés par la
11e Armée Rouge en vue «d'un règlement pacifique des conflits
territoriaux sur des bases qui seront fixées dans les plus brefs
délais par un traité de paix entre la RSFSR et la République
d'Arménie». Cet accord a été bientôt violé perfidement, quant au
traité, il n'a jamais été conclu.
Entre temps l'Arménie exsangue, dépecée a été à nouveau noyée dans
le sang et assujettie pour de longues décennies devant les yeux de
l'ensemble du monde civilisé. Sous la pression de la Turquie qui
avait promis aux bolchéviks «une révolution mondiale dans l'Orient»,
le Nakhitchévan et le Karabagh ont été attachés à la République
d'Azerbaïdjan nouvellement créée. Cela a marqué la poursuite du
génocide des Arméniens. Ce sont ces événements qui servent de point
de départ au conflit arméno-azéri actuel dont les véritables
protagonistes sont les grandes Puissances, n'ayant pas mené à bon
terme la solution de la question arménienne et ayant abandonné les
Arméniens à leur sort.
Laisser aujourd'hui la
solution définitive du problème aux parties en conflit serait non
seulement immoral et contre nature, mais également dangereux et
dénué de perspective.
4.La
purification ethnique pratiquée par les autorités azéries au
Nakhitchévan a conduit à l'éviction quasi totale de la population
arménienne de cette région bien avant la pérestroïka en URSS. La
même purification ethnique totale a été entreprise en Artsakh par
les forces de police spéciale azérie (les OMONS) soutenues par
l'Armée Rouge (opération «Koltzo»). Il n'y a que l'effondrement de
l'URSS qui a arrêté «la solution définitive» de la question
arménienne dans cette partie de l'Arménie.
5.La
communauté mondiale reste jusqu'à ce jour redevable aux Arméniens.
Non seulement elle n'a pas prévenu, mais même n'a pas condamné le
premier génocide de l'histoire moderne. Elle continue d'observer
passivement les purifications ethniques qui se produisent en
Azerbaïdjan soviétique et postsoviétique. Elle légitime en fait les
résultats du génocide des Arméniens,- l'usurpation, par l'Etat turc,
des territoires vidés de leur élément arménien autochtone, le
démembrement de l'Arménie Orientale. Elle assiste sans broncher au
blocus qui étrangle l'Arménie et aux menaces de guerre proférées
contre celle-ci.
Elle dénie aux
Arméniens le droit de défense contre la dernière agression azérie de
1992-94, ne reconnaissant pas leur droit naturel de riposte à
l'agression et la libération de leurs territoires occupés depuis des
décennies.
Les facteurs de
déstabilisation dans la région
1.Le
principal facteur déstabilisant la situation en Transcaucasie et
entravant le règlement du conflit est le fait de rejeter sur la
victime la responsabilité des grandes Puissances pour la situation
dans la région, résultat de leur complaisance face à l'expansion
turco-azérie.
2.Cette
déstabilisation est exacerbée par une opposition intéressée des buts
et des actions de l'Occident et de la Russie dans la région et une
augmentation des contradictions entre ces derniers, considérées à
travers le prisme de la «guerre froide».
3.Parmi
les facteurs déstabilisants il faudrait citer également la position
souvent hésitante, voire ambiguë, de la Russie qui:
-méconnaît sa
responsabilité historique à l'égard des peuples ayant lié de leur
plein gré leur destin à celui de l'Etat russe, et ne soutient pas
ouvertement et résolument ceux qui, étant en situation de colonies
au sein de mini-empires, aspirent rejoindre la Russie;
-poursuit la guerre
en Tchétchénie qui lui est imposée par ses ennemis et qui la
discrédite et la laisse pieds et poings liés, qui déforme toute sa
politique en matière de l'héritage national et territorial de l'Etat
russe, en la détournant des problèmes prioritaires du retour des
territoires illégalement occupés et le rétablissement de son
intégrité territoriale. (Ceux qui poursuivaient l'objectif de mettre
un signe d'égalité dans l'estimation des relations entre Israël et
les Palestiniens, d'une part et la Russie et les Tchétchènes, de
l'autre, avec tout ce qui s'en suit comme conclusion, peuvent se
féliciter d'avoir atteint leur but);
-n'entame pas de
négociations afin de revoir, de manière civilisée, les traités et
les accords criminels, à savoir, l'accord soviéto-turque du 16 mars
1921, ayant démembré l'Arménie et l'ayant réduite à une lutte
inégale de survie, et des ententes de Bélovej par lesquelles des
territoires russes que personne ne contestait sérieusement ont été
cédés à des mini-empires.
La poursuite de cette
politique frileuse, en dehors de son effet dévastateur dans la vie
interne, aboutirait à l'élargissement ultérieur de l'OTAN vers
l'Est, avec l'intégration inévitable, dans l'avenir le plus proche,
des ex-républiques soviétiques, y compris celles de Transcaucasie (à
condition que l'Azerbaïdjan et la Géorgie reconnaissent les
nouvelles réalités historiques et renoncent à leurs revendications
des frontières établies par le régime criminel des bolchéviks).
4.Un
autre facteur déstabilisant dans la région demeure la méfiance
persistante de l'Occident envers la Russie et son rôle dans la
région et dans le monde. Cela est dû non seulement à l'extrême
lenteur de la désoviétisation du pays, mais également à
l'imprévoyance et à l'indécision de l'Occident d'apporter un
soutien efficace (nouveau plan Marshall) aux forces démocratiques,
capable de défendre les intérêts nationaux du pays en même temps que
de l'engager dans le processus d'établissement d'un nouvel ordre
mondial équitable. Cette position de l'Occident mène, entre autres,
à l'exagération du rôle passé de la Turquie en tant qu'avant-poste
de la région. C'est là que réside en grande partie le flottement en
ce qui concerne la reconnaissance du génocide arménien, ainsi que la
tolérance envers les actes agressifs de la Turquie et de
l'Azerbaïdjan (blocus, menaces de guerre, refus de relations
diplomatiques).
5.Les
hommes politiques arméniens de l'époque postsoviétique n'ont
toujours pas réussi à faire admettre à la communauté internationale
que le problème de l'Artsakh est un problème de libération et de
réintégration des parties occupées et démembrées de l'Arménie
Orientale, et non pas une notion d'autodétermination surgie on ne
sait d'où, ou de la précision d'un statut ou bien du degré
d'autonomie de l'Artsakh, ou encore un problème relatif aux
frontières ou à l'intégrité territoriale d'un Etat tiers, à savoir
l'Azerbaïdjan.
L'absence de
répartition des rôles entre les Arméniens à l'échelle mondiale
complique la solution de la question arménienne. Les politiques d'Erévan
devraient consacrer leurs efforts à la solution des problèmes de
l'Arménie Orientale, à la consolidation de l'Etat, de sa sécurité et
de son développement, au règlement des conflits avec les voisins.
Les organes représentatifs du Peuple de l'Arménie Occidentale en
exil, quant à eux, devraient se pencher sur le règlement du
contentieux avec la Turquie.
Que faire?
1.Il
faut reconnaître résolument et une fois pour toutes le droit des
Arméniens à la création de conditions de survie élémentaires et
suffisantes, d'un développement sûr et durable sur leurs propres
territoires ethniques. Ce droit ne peut nullement faire l'objet de
marchandage ou de spéculations politiques. Il faut, enfin, mettre
fin à l'expansion et à l'agression turco-azérie séculaires à
l'encontre du peuple arménien et de ses territoires.
2.Il
faut mettre en place un Tribunal international pour la condamnation
des crimes contre l'humanité - le génocide des Arméniens perpétré
dans l'Empire ottoman, les pogroms et les purifications ethniques
commis en Azerbaïdjan.
3.Des
négociations interétatiques menées dans le cadre des organisations
internationales doivent aboutir à la réhabilitation
post-génocidaire nationale et territoriale du peuple arménien. Les
traités criminels et les résolutions illégitimes, consacrant
l'occupation de la République d'Arménie (1918-1921) et son
démembrement doivent être annulés, et le peuple arménien doit être
rétabli dans ses droits.
4.Le
gouvernement turc doit s'engager à créer des conditions pour le
retour et la sécurité de la vie des générations des rescapés du
génocide sur leurs territoires ethniques.
5.La
question du retour des réfugiés doit être examinée compte tenu de
l'ensemble de tous les problèmes surgis lors du conflit, en prenant
en considération les conséquences des crimes commis, de la nécessité
de la réparation des dommages, de la mise en place de conditions
pour le retour des Arméniens au Nakhitchévan, à Bakou, à Kirovabad,
etc.
Conseil politique du
Congrès Arménien de Russie,
Comité d'organisation
pour la convocation du Congrès constitutif' pour la formation
des
Organes représentatifs du peuple de l'Arménie Occidentale en
émigration.
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