« Le Gouvernement de la Grande Assemblée
Nationale de Turquie, Et le Gouvernement de la
République Française, désireux de conclure un
accord entre les deux pays ont nommé pour leurs
plénipotentiaires, Le Gouvernement de la Grande
Assemble Nationale de Turquie:
Son
Excellence YOUSSOUF KÉMAL Bey, Ministre des
Affaires Etrangère et député; et le Gouvernement
de la République Française:
Son
Excellence M.HENRY FRANKLIN BOUILLON, ANCIEN
Ministre;
LESQUELS, après avoir échangé leurs pleins
pouvoirs qui ont été trouvés en règle, ont
convenu ce qui suit:
Article 1.Les Hautes Parties Contractantes
déclarent que dès la signature du présent accord
l'état de guerre cessera entre elles; les
armées, les autorités civiles et les populations
en seront immédiatement avisées.
Article 2.Dès la signature du présent accord les
prisonniers de guerre respectifs ainsi que
toutes les personnes turques ou françaises
détenues ou emprisonnées seront remises en
liberté et reconduites aux frais de la partie
qui les détient dans la ville la plus proche qui
sera désignée à cet effet. Le bénéfice de cet
article s'étend à tous les détenus et
prisonniers des deux parties quels que soient la
date et le lieu de détention, d'emprisonnement
ou de capture.
Article 3.Dans un délai maximum de deux mois à
partir de la signature du présent accord les
troupes françaises se retireront au sud et les
troupes turques au nord de la ligne désignée à
l'article 8.
Article 4.L'évacuation et la prise de possession
qui auront lieu dans le délai prévu à l'art.3,
seront effectuées selon des modalités à fixer
d'un commun accord par une commission mixte
nommée par les commandants militaires des deux
parties.
Article 5.Une amnistie plénière sera accordée
par les deux parties contractantes dans les
régions évacuées dès leur prise de possession.
Article 6.Le Gouvernement de la Grande Assemblée
Nationale de Turquie déclare que les droits des
minorités solennellement reconnus dans le Pacte
National, seront confirmés par lui sur la même
base que celle établie par les conventions
conclues à ce sujet entre les Puissances de
l'Entente, leurs adversaires et certains de
leurs alliés.
Article 7.Un régime administratif spécial sera
institué pour la région d'Alexandrette. Les
habitants de race turque de cette région
jouiront de toutes les facilités pour le
développement de leur culture. La langue turque
y aura le caractère officiel.
Article 8.La ligne mentionnée à l'article 3 est
fixée et précisée comme suit:
La
ligne frontière partira d'un point à choisir sur
le golfe d'Alexandrette immédiatement au sud de
la localité de Payas et se dirigera sensiblement
vers Meidan Ekbés (la station du chemin de fer
et la localité restant à la Syrie), de là elle
s'infléchira vers le sud-est de manière à
laisser à la Syrie la localité de Marsova et à
la Turquie celle de Karnaba, ainsi que la ville
de Killis. de là elle rejoindra la voie ferrée à
la station de Tchoban-Bey.
Puis elle suivra la voie ferrée de Bagdad dont
la plate forme restera sur le territoire turc
jusqu'à Nousseibine: de là elle suivra la
vieille route entre Nousseibine et Djéziré ibn
Omar où elle rejoindra le Tigre. Les localités
de Nousseibine et de Djéziré ibu Omar ainsi que
la route resteront à la Turquie; mais les deux
pays auront les mêmes droits pour l'utilisation
de cette route.
Les
stations et gares de la section entre
Tchoban-Bey et Nousseibine appartiendront à la
Turquie comme faisant partie de la plate forme
du chemin de fer. Une commission composée de
délégués des deux parties sera constituée dans
un délai d'un mois à partir de la signature du
présent accord pour fixer la ligne
susmentionnée. Cette commission procédera aux
travaux dans le même délai.
Article 9. Le tombeau de Suleiman-Chah, le
grand-père du Sultan Osman, fondateur de la
dynastie ottomane (tombeau connu sous le nom de
Turc-Mézari) situé à Djaber - Kalessi restera,
avec ses dépendances, la propriété de la Turquie
qui pourra y maintenir des gardiens et y hisser
le drapeau turc.
Article 10. Le Gouvernement de la Grande
Assemblée Nationale de Turquie accepte le
transfert de la concession de la section du
chemin de fer de Bagdat entre Bozanti et
Nousseibine ainsi que des divers embranchements
construits dans le Vilayet d'Adana à un groupe
français désigné par le Gouvernement français
avec tous les droits, privilèges et avantages
attachés aux concessions, particulier en ce qui
concerne l'exploitation et le trafic.
La
Turquie aura le droit de faire ses transports
militaires par chemin de fer de Meidan-Ekbes à
Tchoban-Bey dans la région syrienne, et la Syrie
aura le droit de faire ses transports militaires
par chemin de fer de Tchoban-Bey jusqu'à
Nousseibine dans le territoire turc.
Sur
cette section et ces embranchements aucun tarif
différentiel ne pourra être établi en principe.
Cependant les deux Gouvernements se réservent le
droit d'étudier, le cas échéant, d'un commun
accord toute dérogation à cette régle qui
deviendrait nécessaire.
En
cas d'impossibilité d'accord, chaque partie
reprendra sa liberté d'action.
Article 11. Une commission mixte sera instituée
après la ratification du présent accord en vue
de conclure une convention douanière entre la
Turquie et la Syrie. Les conditions ainsi que la
durée de cette convention seront déterminées par
cette commission. Jusqu'à la conclusion de la
convention précitée les deux pays conserveront
leur liberté d'action.
Article 12. Les eaux de Kouveik seront réparties
entre la ville d'Alep et la région au nord
restée turque de manière à donner équitablement
sa satisfaction aux deux parties.
La
ville d'Alep pourra également faire à ses frais
une prise d'eau sur l'Euphrate en territoire
turc pour faire face aux besoins de la région.
Article 13. Les habitants sédentaires ou
semi-nomades ayant la jouissance de pâturage ou
ayant des propriétés de l'un ou de l'autre côté
de la ligne fixée à l'art. 8. continueront comme
par le passé à exercer leurs droits. Ils
pourront pour les nécessités de leur
exploitation, librement et sans payer aucun
droit de douane ou de pâturage ni aucune autre
taxe transporter d'un côté à l'autre de cette
ligne leur bétail avec le croit, leurs
instruments, leurs outillages, leurs semences et
leurs produits agricoles étant bien entendu
qu'ils sont tenus de payer les droits et taxes y
relatifs dans le pays où ils sont domiciliés.
FAIT à Angora en double original, le vingt
octobre mille trois cent trente sept (1921)
(L.S.) YOUSSOUF KÉMAL. (L.S.) HENRY
FRANKLIN-BOUILLON.
Angora, le 20 Octobre 1921
EXCELLENCE,
Je
me plais à espérer que l'accord conclu entre le
Gouvernement de la Grande Assemblée Nationale de
Turquie et le Gouvernement de la République
Française en vue de réaliser une paix définitive
et durable aura pour conséquence de rétablir et
de consolider les relations étroites qui ont
existé dans le passé entre les deux nations, le
Gouvernement de la République Française
s'efforçant de résoudre dans un esprit de
cordiale entente, toutes les questions ayant
trait à l'indépendance et à la souveraineté de
la Turquie.
Le
Gouvernement de la Grande Assemblée Nationale
désireux, d'autre part, de favoriser le
développement des intérêts matériels entre les
deux pays me charge de vous déclarer qu'il est
disposé à accorder la concession des mines de
fer, de chrome et d'argent se trouvant dans la
vallée de Harchide pour une durée de 99 ans à un
groupe français qui devra procéder dans un délai
de 5 ans à partir de la signature du présent
accord à l'exploitation de cette concession par
une société constituée conformément aux lois
turques avec participation des capitaux turcs
jusqu'à concurrence de 50 %.
En
outre, le Gouvernement Turc est prêt à examiner
avec la plus grande bienveillance les autres
demandes qui pourraient être formulées par des
groupes français relativement à la concession de
mines, voies ferrées, ports et fleuves, à
condition que les dites demandes soient
conformes aux intérêts réciproques de la Turquie
et de la France.
D'autre part, la Turquie désire profiter de la
collaboration des professeurs spécialistes
français dans ses écoles professionnelles. A cet
effet elle fera connaître plus tard l'étendue de
ses besoins au Gouvernement Français.
Enfin la Turquie espère que dès la conclusion de
l'accord, le Gouvernement Français voudra bien
autoriser les capitalistes français à entrer en
relations économiques et financières avec le
Gouvernement de la Grande Assemblée Nationale de
Turquie.
Veuillez agréer, Excellence, l'assurance de ma
très haute considération.
Signé: YOUSSOUF KEMAL.
Son
Excellence M.HENRY FRANKLIN-BOUILLON,
Plénipotentiaire du Gouvernement de la
République Française.
Au
moment de procéder à la signature de l'accord
intervenu aujourd'hui entre LE GOUVERNEMENT DE
LA GRANDE ASSEMBLÉE NATIONALE DE TURQUIE et LE
GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,YOUSSOUF
KEMAL BEY, le Plénipotentiaire Turc a émis les
considérations suivantes dont Monsieur HENRY
FRANKLIN BOUILLON, Plénipotentiaire Français a
bien voulu prendre note.
Le
Plénipotentiaire Turc tient à faire des réserves
expresse en ce qui concerne le règlement des
questions relatives à participation de la Syrie
à la Dette Ottomane, aux biens de l'Etat et la
Couronne et de l'Evkaf et à tous autres points
résultant du changement de la situation
juridique de ce pays, règlement qui devra avoir
lieu lors de la conclusion générale de Paix.
Pour les régions d'Alexandrette et d'Antioche,
Youssouf Kémal Bey déclare nécessaire d'accorder
aux habitants la faculté d'adopter un pavillon
spécial contenant le drapeau turc. Le
Plénipotentiare Français ayant convenu de
l'intérêt qu'il y aurait à reconnaître une telle
faculté aux habitants de ces régions a bien
voulu promettre d'entreprendre les démarches
nécessaires à cet effet auprès de son
Gouvernement.
Pour ce qui est de l'article 5 concernant
l'amnistie plénière à accorder par les deux
Parties Contractantes, le Plénipotentiaire
Français déclare qu'il recommandera à son
Gouvernement de prendre les mesures nécessaires
en vue de faire profiter de cet amnistie les
habitants des régions d'Alexandrette et
d'Antioche.
Le
Plénipotentiaire Turc déclare par rapport à
l'article X ce qui suit:
1x-La garantie kilométrique était en vertu des
actes de concession du chemin de fer de Bagdad,
établie jusqu'ici sur la base des recettes
globales de toute la ligne: il est indispensable
de fixer la garantie kilométrique afférente à la
section turque Bozanti-Nousséibine comme par le
passé sur la base des recettes globales de la
totalité de la ligne de Bagdad. Le
Plénipotentiaire Français s'engage à appeler
l'attention de son Gouvernement sur le bien
fondé de cette réclamation.
2x-Les Plénipotentiaires des deux Parties sont
d'accord que la fixation du tarif des transports
militaires turcs à effectuer par chemin de fer
en territoire syrien et la fixation du tarif des
transports militaires syriens à effectuer par
chemin de fer en territoire turc seront
réservées à un examen ultérieur ils ont
également reconnu la nécessité de donner de part
et d'autre un préavis suffisant toutes les fois
que l'un des deux pays se trouvera dans le cas
de faire usage de la faculté mentionnée à
l'article 10, alinéa 2 de l'accord
turco-français.
Le
Plénipotentiaire Turc formule la demande
suivante que le Plénipotentiaire Français
accepte de défendre auprès de son Gouvernement:
Dans le port d'Alexandrette les ressortissants,
les biens et le pavillon turcs devraient jouir
de l'entière liberté de l'utilisation du port.
Ils seraient, sous ce rapport et à tous égards,
traités sur pied de parfaite égalité avec les
habitants, les biens et les navires du pays.
Dans ce port il serait donné à bail à la Turquie
un espace qui serait affecté au transit direct
des marchandises en provenance ou à la
destination de la Turquie. Pour la jonction de
cet espace avec le chemin de fer reliant
Alexandrette aux territoires turcs, son
aménagement, sa location et son mode
d'exploitation toutes les facilités seraient
accordées à la Turquie.
Aucun droit ou taxe, autres que ceux de tonnage,
de quai, de pilotage, de phare, de quarantaine
perçues également sur les habitants, les biens
et le pavillon du pays ne seraient imposés aux
ressortissants, aux biens et au pavillon turcs à
l'occasion du transit des marchandises en
provenance ou à destination de la Turquie.
Fait à Angora en double original, le vingt
Octobre mille trois cent trente sept (1921). »
(L.S.)
YOUSSOUF KEMAL (L.S.) HENRY FRANKLIN-BOUILLON
Alors que les Jeunes Turcs ont disparu de la
scène politique en octobre 1918, un ensemble de
lois qui parachèvent le génocide, s'efforcent
d'effacer la présence arménienne.
La loi du 20 avril
1922 prévoit la confiscation en Cilicie de tous
les biens appartenant aux personnes qui avaient
quitté la région ; celle du 25 avril 1923 étend
la confiscation à tous les Arméniens, quels que
soient les motifs ou la date de leur départ du
pays. L'article 2 de la loi de septembre 1923
interdit le retour des Arméniens en Cilicie et
dans les provinces de l'Est.